Traversée du desert
- Franck Revolle
- Mar 17, 2023
- 4 min read
Updated: Mar 17, 2023
Petit bémol tout d'abord : c'est une petite traversée du désert. Faut pas non plus exagérer.
A Foum-Zguid, je rencontre un couple de cyclistes Néerlandais. Ils font commerce avec la mise en vidéo de leur périple sur YouTube. Ils me proposent de faire équipe pour la traversée, mais ont besoin de deux jours de mise en condition pour se préparer à cette très difficile traversée. Ah... pourquoi pas. Mais quand je leur dis que je suis en tricycle : vin-zou ! J'ai droit à une litanie de banalités sur l'impossibilité de faire ce genre d'aventure ainsi. Et quand je dis que suis électrifié : alors là... il me serre la main en me disant que "non, il n'est vraiment pas possible de faire équipe". Je leur réponds que je partirai donc seul demain. La dame me serre la main comme si elle me donnait mes condoléances pour ma très prochaine mort. Elle aurait peut-être changé d'avis sur le tricycle vue son état de fatigue. Mais bon... chacun son chemin.
Je m'endors dans mon lit en me répétant le proverbe : qui trop causette reste à la maison .
Trois heures du matin : les chiens hurlent et se bagarrent.
Quatre heures : le vent se lève. L'était pas prévu au programme celui-là. Il paraît que c'est terrible le vent dans le désert. Je me répète 10 fois : Qui trop écoute la météo reste au bistrot.
Cinq heures : je cale portes et fenêtres pour éviter que ça batte avec le vent qui s'engouffre de partout.
Six heures : appel à la prière dans le haut-parleur dézingué de la mosquée du village. Ce sera pour moi l'appel du vélo. De toute façon, il est déjà prêt à partir, tout préparé de la veille !
Le tenancier de l'auberge Iriki de Foum-Zguid a contacté son collègue au lac Iriki : ça va passer ! Si si ! Inchallah. Il me suivra par SMS sur toute la traversée : sympathique.
Petit déjeuner. Plein d'eau de mes deux outres de 4 litres chacune.
Je pars dans la nuit. Franchis la porte du desert.

Et tourne à gauche sur la piste.
Partir tôt me permet d'éviter la chaleur, mais aussi d'éviter le contrôle de gendarmerie qui me refoulerait...

Je souris assez rapidement : la piste est en effet très caillouteuse. Mais reste facile et évidente à suivre.
Le décor au lever du jour est sublime.

La piste passe dans des dunes. Premiers ensablages. Ma corde a tirer le tricycle est fort utile. Mais il ne faudrait pas trop que ça se passe souvent quand même.

Un puits : sidérant dans cet univers...

Une mobylette d'un local. Une bergère qui arrive à me vendre un dromadaire (miniature, en laine...) que je suspends à mon guidon, comme porte bonheur.

L'arrivée sur le lac Iriki (desséché pour une raison que je n'évoquerai pas) est très roulante.
J'arrive à midi, tranquilou, a l'auberge du lac Iriki, attendu par son tenancier, où je peux recharger une seule batterie sur le panneau solaire.

Les moteurs de 4x4, motos & buggys commencent à vombrir de partout dans la poussière..
Le tenancier essaye de me trouver une solution pour terminer la piste en 4x4 : il pense que c'est impossible que je la fasse. Un guide franco-marocain me dit de prendre la piste un peu plus au nord : moins sableuse, beaucoup plus sauvage, difficile, plus longue. Si si, ça va passer !
Le lendemain , départ de nuit.
Ensablements à répétition. Je tire. Le vélo tombe. Je l'engueule (faut bien engueuler quelqu'un...). Puis je lui présente mes excuses : "viens, on va trouver un endroit où tu pourras rouler".
Ça finit par devenir roulant. Embouteillage de moutons.

Puis ça se complique. Lentement. La piste devient un champ de cailloux. Comme si on avait jeté des pavés de forme irrégulière jusqu'à 20cm. Par terre. Là. Comme ça. En vrac. Le vélo couine dans ce dédale minéral. Et des oueds à sec, remplis de sable pour simplifier. Je croise six dromadaires de fret qui tirent tout droit, eux...

Quarante kilomètres en six heures.
Mais je suis content d'éviter l'intestin de poussière que je vois au loin, où les moteurs vombrissent dedans.
Trois gazelles traversent la piste. Rapides comme l'éclair. Traces de serpent, scarabée.

J'arrive enfin à la source sacrée : stupéfiant de voir cette oasis perdu dans le désert.

Je refais le plein d'eau avec le puits. Et je repars.
La piste redevient roulante sur un plateau. Je tire "tout droit" hors piste pour me trouver un bivouac sous un acacia.
Un petit feu de camp.

Quelques notes de flûte que je reprendrai plus tard sous les étoiles.
Le lendemain, aux aurores, je fais le malin en prenant un cap pour rejoindre la piste : deux heures pour traverser un oued asséché. Boue sèche. Sable. Champs de très gros cailloux. Je remonte sur un plateau en tirant le vélo comme un bœuf tire sa charrue. Une piste. Ouf. Roule-roule facile.
Le disque de frein couine. M'énerve. Bon, je vais le regarder : c'est la roue qui se dévissait ! Resserrage. Je repars. Cailloux à nouveaux. Piste à très gros cailloux. Je croise un camion qui vient chercher des chameaux. Il roule à moins de 4 km/h. J'ai l'impression d'être une flèche avec mes 8 km/h !

Crac ! Je déraille !? Quezaco ? C'est un pignon simple sur la roue arrière ! Je descends. B.r.d.l ! C'est le serrage rapide de la roue arrière qui s'est défait. Heureusement que j'ai tout de suite arrêté ! Je passe 15 minutes à resserrer tous les boulons que je vois.
Encore deux heures de difficulté caillouteuse et sableuse. Un col en coup de sabre dans la montagne qui cercle ce désert. J'arrive sur une piste. Une vraie. Qu'on peut rouler à plus de 20km/h même si elle est en tôle ondulée. Fin...

Je pousse une pointe jusqu'au village Tagournite : rien. Je décide de pousser jusqu'à Zagora : 50 km de route. Du vent quasi de face. Route goudronnée poussiéreuse. Plus de batterie. Ça devient pénible. J'arrive à 18h30. Un peu beaucoup fatigué. Chambre d'hôte. Douche. Manger. Soupe. "Crepes". Trop bon.
Nda : pour ceux qui liraient et seraient tranquillisés pour faire pareil, il faut se rappeler le proverbe "tant que tout va bien, tout va bien" . Le deuxième jour, je n'ai quasiment croisé personne. Il y a certes toujours quelqu'un qui passera. Mais bon... vaut mieux qu'il n'arrive rien (casse matériel ou humaine, perte d'eau, vent sableux...). Sinon, à mon avis, çà peut vite devenir une (très) grosse galère...
Tout simplement beau , poétique (flute), mécano, bref multitâches
NB:Je regarde ton blog a contre temps mais cela ne change pas la beauté des paysages et l'attrait de ton aventure..
La flûtes, le feu, l'aventure ..trop beau !
Le fan de tintin c'est Christian
😀Un peu de tintin au pays de l'or noir , un zeste de Lawrence d’Arabie et pour la tôle ondulée un clin d’œil au Salaire de la peur .Franck tu est dans une belle et réelle🤤 aventure .
Faut être calé en mécanique... Et partir du principe simple : Inch'Allah !