Sensations moyen Atlasiennes

Pas de décryptage, ni de morale. Pas de sondage pour ou contre. Seulement quelques impressions en traversant ce moyen Atlas.

Les cols.

Pistes anciennement goudronnées. Goudrons tout neuf sur de vieilles pistes. Les antennes 4G. L'électricité dans le moindre hameau. Moins autenthique qu'avant, certes, touristiquement parlant. Mais je pense que la femme qui accouche dans un de ces hameaux le voit différemment.

Montée au rythme lent de mes pédales.

Une mule chargée comme un bourrique. S'arrêter pour ne pas l'affoler. Repartir. Une cabane avec sa famille. S'arrêter. Demander de l'eau au gamin, qui fait remplir ma gourde par sa maman. Une petite pièce pour le gamin. Et une pastille de micropure pour mes intestins aseptisés. Je repars sur mon vélo fortuné.

Un autre col. Raide. Un vieux bûcheron qui coupe à la hache de vieux cèdres. Il m'indique une sente pour aller boire. Quelques détours et une jolie cascade m'accueille dans un vallon. Trois fois rien daucuns diront. Mais la première d'eau si claire depuis longtemps pour mon visage.

Une descente grisante comme je les aime. Les suspensions battent leur plein. L'équilibrage des freins fait virer l'engin dans le gué, sans broncher. Un énorme tank camping-car 4x4 kaki me croise faisant rugir son moteur : appel de phare et grand salut de par le lien qui nous unit de toute évidence.

Un superbe lac jumelé ( Tislit : le Roméo & Juliette de la région ). Absolument personne. Plouf.

Deux ânes tirent un soc de charrue qui me semble sortir de Regain. Des tapis sèchent au bord de la rivière. Un smartphone sonne dans la poche du monsieur qui me sert un thé dans sa boutique misereuse. Je perturbe une partie de foot poussiéreuse avec mon drôle d'engin, tout en faisant pouffer de rire un groupe de jeunes filles.

Des paysages minéraux colorés surprenants.

Un panneau indique une auberge. Je prends note avec mon smartphone.

Hésite. Repart. Un monsieur en vélo me croise et m'interpelle : "Stop !". Bon... écoutons ce qu'il veut me dire. "Tu veux manger et dormir à l'auberge ?". "Combien ?". "200 DM !". Ok... c'est le tenancier de l'auberge Oubas. Je vais y rester trois jours. Il sera aussi mon (inévitable) guide. Guide rémunéré pour gérer la sécurité (il n'y a pas de BGHM ici), parce que je suis un touriste qui a des sous, et parce que c'est ainsi.

Le ramadan commence. Un sommet à 3200m, énorme tas de cailloux, sans boire ni manger.

Il monte avec sa mule jusqu'à la limite des arbres.

Au retour, il coupe à la hache plusieurs branches de cèdres. On charge la mule, qui rentre en pilotage automatique. Bien utile pour chauffer le hammam et la cuisinière.

Le soir, pour la rupture du jeûne (j'ai triché dans ma chambre avec de l'eau et quelques dattes), apéritif copieux avec soupe et quelques friandises 100% faites maison. Puis dîner à 23h. Je mange comme eux : en prenant dans la tajine commune, avec un morceau de pain. Entre hommes. Je ne sais pas où sont les femmes. Pour lui, c'est simple & clair : sa femme gère la maison, lui gère l'extérieur.

Ce ne sera pas un deuxième sommet enneigé avec un joli chiffre, car c'est un peu difficile de monter à 3700m sans boire ni manger. On profite de la voiture du vétérinaire qui est en tournée de vaccination de fièvre aphteuse pour les vaches : il nous emmène au bout d'une route, dans un hameau de montagne.

Un ancien sentier muletier qui fait rêver.

Et qui traverse un superbe canyon.

J'essaie d'intéresser la petite à la flûte : pas évident.

Le vétérinaire n'est pas marié, mais s'occupe des enfants (très) pauvres de ces vallées avec une association de "tourisme different" : Darsammourra.

Contraste de richesse et d'extrême pauvreté.

Il faut que je reparte. Demain. Ils me disent de ne pas prendre la piste du cirque de Jaffar. Je la prendrai quand même.

Puis j'irai voir du côté du M'Gun, dans la vallée bienheureuse. Avant de remonter sur Meknès, puis la ville bleue de Chefchaouen. Titouan. Échouer à Tanger-port-Med. Pour reprendre le bateau. Qui me fera remonter le temps. Pour refaire surface. Chez moi...